Les scientifiques sont encore loin de connaître et de comprendre tous les phénomènes associés aux éclairs et leurs liens avec les nuages d’orage. Le projet EXAEDRE (EXploiting new Atmospheric Electricity Data for Research and the Environment) a pour objectif de consolider les activités de recherche entamées durant la campagne HyMeX autour de l’étude de l’électricité atmosphérique. En couplant observation et modélisation, le projet EXAEDRE vise ainsi à améliorer les connaissances des différents processus microphysiques, dynamiques et électriques des nuages d’orages qui conduisent au déclenchement et à la propagation d’un éclair, étudier le bénéfice de l’information « éclair » pour des applications de suivi des orages en temps réel et quantifier l’amélioration des prévisions météorologiques en assimilant la donnée « éclair » dans les modèles de prévision numérique du temps.
Le volet observation du projet EXAEDRE s'articule autour :
Durant la campagne EXAEDRE, le Falcon 20 embarque en plus de l'instrumentation habituelle (Core) le radar de nuage Rasta, les sondes de microphysique PMA, les moulins à champ Ampera et des détecteurs de particules à haute énergie. L’équipe à bord durant un vol est composée de sept personnes : 2 pilotes, 1 technicien, 3 ingénieurs et 1 scientifique.
Les opérations aéroportées de la campagne se déroulent du 12 septembre au 12 octobre 2018 depuis la base aérienne 126 Ventiseri-Solenzara « Capitaine Preziosi » dont les infrastructures sont mises à la disposition de l'expérience, et dont le personnel apporte son précieux concours aux équipes techniques et scientifiques.
Le Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (Latmos – CNRS/UVSQ/Sorbonne université) opère le radar de nuage RASTA (95 GHz) depuis le Falcon 20. Cet instrument de télédétection active permet de caractériser les nuages en dessous et au-dessus de l’avion en termes de réflectivité, de contenu en glace et de vent.
Le Laboratoire de Météorologie Physique (LaMP – CNRS/Université Clermont Auvergne) effectue des mesures de microphysique nuageuse à l’aide de 4 sondes (granulomètres et imageurs). Ces sondes sont installées sous les ailes du Falcon 20 et produisent des images de tout type d’hydrométéores de toute taille (gouttes d’eau, agrégats, cristaux de glace) le long de la trajectoire de vol. Ces images permettent de calculer la distribution en taille des hydrométéores, d’identifier le type d’hydrométéores et d’étudier leur forme.
L’Office national d'études et de recherches aérospatiales (Onera) installe 8 moulins à champ à différents endroits sur le Falcon 20, 4 sur le fuselage de l’avion, 4 autres à l’arrière des 4 sondes de microphysique. Ces 8 points de mesure permettront de restituer les 3 composantes du champ électrique (composante verticale Ez et les deux composantes horizontales Ex et Ey) en ciel clair et en conditions nuageuses.
L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) réalise des comptages de particules à haute énergie à l’aide de détecteurs miniaturisés installés dans la cabine du Falcon 20.
Le secteur aérien ciblé couvre la Corse et un domaine de 200 km autour de la Corse (à gauche). Les mesures sols sont réalisées à partir d’un super site localisé sur les terrains de l’INRA à San Giuliano, à partir de véhicules mobiles, et d’instruments en opération depuis plusieurs années comme les réseaux de détection des éclairs SAETTA et Météorage et les radars du réseau national de Météo-France. Différents outils d’aide à la décision en temps réel ont été développés par le consortium EXAEDRE permettant d’afficher sur le même écran les observations météorologiques disponibles pour guider en vol l’équipage et les scientifiques à bord du Falcon 20.
Selon les prévisions météorologiques fournies par les étudiants de l’Ecole Nationale de Météorologie et leurs enseignants, un plan de vol est déposé pour obtenir une autorisation de vol. La stratégie de vol dans un nuage consiste à échantillonner d’abord l’enclume de l’orage dans sa partie haute en s’approchant de plus en plus du cœur de convection au fur et à mesure que l’orage se développe (à gauche). A priori un nuage d’orage est échantillonné à trois niveaux de vol, 10, 7 et 5 km, qui correspondent aux altitudes moyennes des zones de charge (10 et 5 km) et à l’altitude moyenne où le champ électrique est maximal (7 km). Le plan de vol est adapté selon les conditions météorologiques, l’évolution spatio-temporelle des orages et les contraintes imposées par le contrôle aérien.
Cette campagne de mesures est financée par l’ANR (ANR-16-CE04-0005), le CNES et le programme Mistrals/HyMeX. Les données collectées durant la campagne EXAEDRE sont archivées au pôle Aéris .
Deux missions spatiales européennes dédiées aux éclairs seront lancées ces prochaines années : la mission TARANIS (Tool for the Analysis of Radiation from lightning and Sprites) du CNES et la mission MTG (Météosat Troisième Génération) d’EUMETSAT qui emportera le détecteur optique LI (Lightning Imager).
La mission défilante TARANIS se focalise sur l’étude des phénomènes lumineux transitoires (TLE) et des flashs gamma terrestres (TGF). Son lancement est prévu en 2019. Les principaux responsables scientifiques sont le CNRS et CEA/DAM. La plateforme TARANIS emportera comme charges utiles des caméras et des photomètres, des détecteurs de rayons X et gamma, des détecteurs d'électrons de haute énergie, des senseurs électromagnétiques, des antennes de mesure du champ électrique basse et haute fréquence. Les différentes techniques de détection des éclairs déployées durant la campagne EXAEDRE fourniront des observations coïncidentes multi-spectrales des éclairs qui seront exploitées en attendant les premières observations de la mission TARANIS.
La mission MTG sera lancée en 2021 pour être placée en orbite géostationnaire. Le capteur LI assurera la détection des éclairs à partir de leur rayonnement optique émis à 777 nm. Ce sera la première fois que les Européens mettront un tel capteur dans l’espace avec des spécifications techniques et opérationnelles assez contraignantes. Le capteur LI couvrira l’Europe, la Méditerranée, l’Afrique dans sa totalité, une grande partie de l’océan atlantique, et une partie du Brésil. Le détecteur LI prendra une image toutes les 2 millisecondes de la Terre et les pixels illuminés de la caméra seront identifiés et expertisés en temps réel depuis le satellite et au sol pour être mis à disposition aux utilisateurs en moins de 30 secondes. Cette diffusion quasi temps réel des données spatiales va ouvrir une nouvelle ère de l’observation météorologique spatiale pour le suivi des orages ou pour les activités opérationnelles en lien avec les transports aérien et maritime. En attendant, le projet EXAEDRE étudiera la possibilité d’adapter les différents outils et méthodes de suivi des orages développés en son sein aux futures observations de MTG-LI. Une stratégie de validation du capteur MTG-LI sera aussi proposée tenant compte des résultats et des développements instrumentaux du projet EXAEDRE.
En attendant ces deux missions européennes, les participants d’EXAEDRE exploiteront les observations du détecteur optique d’éclairs Lightning Imaging Sensor (LIS) de la NASA installé sur la station spatiale internationale depuis février 2017 lors de ses deux passages journaliers au-dessus de la Corse. Des vols du Falcon 20 pourront être coordonnés avec les passages de la station spatiale pour des conditions météorologiques et des contraintes de vol favorables.
SAFIRE
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